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Lenou Sonia Yacine, fondatrice de la société coopérative Féïfê (Socofe): Le défi de transformer le secteur vivrier pour le bien des femmes

Elle rêvait de travailler à Sucrivoire tout comme son père, mais c’est l’univers du vivrier dans lequel elle a grandi grâce à sa mère qui finira par prendre le dessus dans son orientation professionnelle. Aujourd’hui, Tien Lenou Sonia, fondatrice de la coopérative Féïfê se bat pour donner une image plus moderne au secteur du vivrier à travers la réorganisation de la distribution, la transformation des produits, la lutte contre la pauvreté et la promotion de l’entrepreneuriat.

Après l’obtention du brevet de technicien supérieur (Bts) au groupe CBCG de Treichville en ressources humaines, Lenou Sonia atterrit à Sucrivoire pour un stage qui ne durera que trois mois. Elle se retrouve par la suite à la maison et sa mère, Ouattara Ramata, fondatrice de la Coopérative des producteurs de vivriers d’Abidjan (Coprova), l’encouragera à venir travailler avec elle en attendant d’avoir mieux. Ce qu’elle accepte de faire. Ce n’est pas la première fois que Lenou est au contact avec le secteur du vivrier puisque par le passé, pendant les vacances scolaires, elle venait se faire un peu d’argent en vendant du vivrier. Mais cette fois-ci, sans le savoir, elle embarquait dans une aventure déterminante pour sa carrière professionnelle. Petit à petit, elle prend goût à l’univers du vivrier. Et lorsqu’elle obtient deux ans plus tard son diplôme d’ingénieur en ressources humaines au cours Castaing du Plateau, elle décide de s’installer définitivement dans ce secteur auprès de sa mère au sein de sa coopérative d’abord en tant que commerciale, puis deuxième secrétaire. Entre 2011 et 2012, elle est recrutée par le Réseau de développement de la production vivrière en Côte d’Ivoire (Redeprovici) en tant que directrice, puis gravit les échelons pour devenir vice-présidente. Après un an au service de cette coopérative, elle est rappelée en 2012 par Coprova, devenue  entre-temps l’Union des sociétés coopératives vivrières actives (Unicovia). Elle y restera un an avant de créer sa propre structure en 2014, la société coopérative Féïfê (Socofe), inspirée qu’elle est par un paradoxe dans le milieu du vivrier.

Marquée par un paradoxe

En trois ans d’activités au service de coopératives, Lenou a le temps d’aimer le secteur mais également de remarquer ses contradictions les plus choquantes. Les femmes sont assises sur une mine d’or, mais la plupart d’entre elles vivent dans la précarité et ne cessent de tirer au quotidien le diable par la queue en dépit du caractère social des activités des coopératives. En effet, les produits vivriers sont prêtés aux femmes. Quitte à elles de les écouler et de rembourser le montant équivalent à la valeur des produits tout en gardant les bénéfices réalisées. « La principale difficulté de ces femmes, c’est que les produits sont périssables. Donc elles vendent, mais ne gagnent pas grand-chose à cause des pertes » explique Tien Lenou. Cette situation la peinait beaucoup, surtout que ces femmes, qui sont pour la plupart veuves ou sans soutien marital devaient obligatoirement rembourser la valeur des marchandises quand bien même elles faisaient des pertes. « C’est cette situation qui m’a inspirée. et je me suis dit que la solution se trouvait certainement dans la réorganisation des circuits de distribution mais surtout dans la transformation. » Ainsi, en octobre 2014, Lenou met en place la structure Socofe pour améliorer la redistribution des produits vivriers sur les marchés d’Abidjan afin d’éviter le pourrissement des produits sur les différents marchés d’Adjamé, d’Abobo et de Yopougon (qui sont les trois grandes zones de déchargement à Abidjan)  pendant qu’il y a pénurie au marché de Koumassi, de Marcory, Treichville ou Port-bouet. Pour elle, cet objectif est simple à réaliser. Disposant du marché de sa mère et de trois jours de déchargement de marchandises dans la semaine, elle arrive à son modeste niveau à approvisionner tant bien que mal tous les marchés d’Abidjan même si elle est consciente que sa seule capacité de distribution ne peut suffire. A travers sa coopérative, elle veut également apporter une plus-value à ce secteur en transformant la plupart des produits périssables pour rendre les produits disponibles en toute saison mais sous d’autres formes. Elle commencera par la transformation du manioc en pâte de placali et la production de gari en 2017.

Des tâtonnements à la maitrise du métier

Pour ce qui concerne la transformation, Tien Lenou Sonia va beaucoup tâtonner. Ces premières prouesses, elle le fait de manière artisanale sans formation. Puis elle participe au Sara 2017 qui lui permettra d’acquérir une petite expérience et de la notoriété. Mais, elle se rendra très vite compte que ces produits exposés ne respectent pas véritablement les normes. Aussi, dès la fin du Sara, elle se met à se renseigner sur les formations disponibles en entrepreneuriat et transformation de produits agricoles. Elle s’inscrit dans un premier temps à l’incubateur Prodije de la Cgeci pour apprendre la gestion d’entreprise. Ensuite, elle est orientée vers l’Institut européen de coopération et de développement (IECD), qui lui apprendra les bases de la transformation de produits agricoles à partir de mai 2018. Puis quelques temps après, elle postule avec succès pour le compte de la Côte d’Ivoire pour une session de formation au Japon dans le domaine de l’agro-transformation de juin à aout 2018.  Après ces deux formations, elle est outillée pour produire des produits transformés de qualité. L’entreprise est aujourd’hui à fond dans la transformation des produits agricoles tels que le manioc en pâte de placali conditionné en pot, la banane plantain en biscuits, l’aubergine et le piment en poudre,  la tomate  en pâte, etc. ces produits qui ne portent pas encore de nom de marque sont l’objet d’une étude dans le but de mettre en place une stratégie commerciale et marketing digne de ce nom.

Elle n’est pas encore arrivée au sommet de l’échelle de la réussite dans le domaine entrepreneurial, mais le petit parcours qu’elle a déjà réalisé l’a satisfait entièrement et elle en est fière. Réorganiser le secteur du vivrier et permettre à ses milliers de femmes de s’en sortir financièrement est très important pour elle. « J’ai eu envie de créer ma structure pour apporter de nouvelles idées dans ce milieu, parce que ce secteur quand il est bien organisé fait gagner de l’argent. Et c’est pour réussir dans ce domaine que j’ai participé au projet Prodije pour être bien formée en gestion d’entreprise. Mais je veux faire mieux, c’est-à-dire promouvoir l’entrepreneuriat féminin». Lenou Sonia veut promouvoir l’entrepreneuriat féminin, en particulier dans le secteur du vivrier afin de donner du pouvoir financier aux femmes.

Marius Nouza

Des sacrifices et renoncements qui paient

Le succès de Lenou n’a pas été de tout repos. Il a fallu faire des choix et des sacrifices difficiles et renoncer à beaucoup de choses. Elle a dû se séparer de son partenaire en couple qui ne supportait pas de la voir partir pendant des jours en brousse à la recherche de produits vivriers. De même, elle n’avait pas de temps pour elle-même. Tout ce qu’elle gagnait elle le réinvestissait dans la formation de telle sorte qu’elle consacrait très peu d’argent à se faire belle, se faire plaisir ou vivre pleinement. Selon son estimation, ce n’est pas moins de 3,5 millions qu’elle a injecté ne serait-ce que pour les formations. S’appuyant sur un passage biblique, elle estime que la formation est très importante pour l’entrepreneur. « la bible dit dans Osée 4/6: mon peuple meurt faute de connaissance. Cela est vrai dans tous les domaines. Un entrepreneur qui ne connait rien de son domaine va tourner en rond et n’arrivera nulle part. Dieu m’a permis de vaincre cette difficulté par la formation » explique-t-elle. Aujourd’hui, tous ses sacrifices sont en train de payer. Le mercredi 19 décembre 2018, Lenou est devenue lauréate du prix Alassane Ouattara du jeune entrepreneur émergent pour l’édition 2018. A tous ceux qui veulent entreprendre, elle demande de développer la crainte de Dieu et l’amour pour son activité. Elle souligne la nécessité de se former ou de s’informer régulièrement sur son domaine d’activité, de respecter les personnes avec qui l’on travaille et d’être rigoureux avec soi-même avant d’imposer cette rigueur aux autres.

MN

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