Transformer les déchets plastiques en pavés écologiques, telle est l’innovation de Binedou global service (Bgs), une entreprise spécialisée dans le recyclage de déchets à Conakry. Fondée par Mariam Mohamed Kéita, une jeune entrepreneure guinéenne, cette entreprise a pour ambition de résoudre les problèmes de gestion des ordures dans le pays.

Bien avant le démarrage du processus de fabrication, les déchets sont d’abord collectés par des femmes dans la capitale guinéenne. Surnommées ‘’les femmes plastiques’’, celles-ci mettent par la suite ces déchets dans des sacs pour les acheminer à l’atelier. En ce qui concerne la collecte de ces déchets, l’entrepreneure indique que la priorité est exclusivement accordée à tous les déchets plastiques. « On a besoin de tous les plastiques; ensuite on les met dans les sacs et on les envoie dans notre atelier », souligne-t-elle avant de détailler davantage le procédé de fabrication des pavés. Selon elle, le procédé consiste d’abord à collecter des emballages et des bouteilles plastiques dans les poubelles et les rues de Conakry. Ensuite, l’on passe à la fonte des matières plastiques placées dans une cuve posée sur du feu de bois. Armés de malaxeurs et protégés de l’odeur toxique par des masques de protection respiratoires, les travailleurs remuent le mélange jusqu’à l’obtention d’une pâte homogène. Ensuite, plusieurs seaux de sable sont versés dans la cuve. Une fois que le mélange obtenue est bien homogène, il est question maintenant de disposer le tout dans des moules sans utilisation d’eau. Enfin, le produit est séché. « Le séchage prend généralement quelques minutes alors que pour un pavé à base de ciment et de sable cette opération peut nécessiter 24 h », précise-t-elle. A ce niveau, 20 kg de plastiques et 10 kg de sable sont donc mélangés pour obtenir une matière noire qui sera coulée dans des moules permettant ainsi d’obtenir les pavés en question.
Pour l’entrepreneure, chaque brique ainsi fabriquée est une réponse apportée à l’aménagement des voiries dans son pays. Cette réponse part même d’un constat fait par celle-ci dans la seule ville de Conakry.
Un constat, une opportunité
A Conakry, les canaux d’évacuation des eaux de ruissellement sont bouchés par des ordures déversées par les habitants. La Guinée produit près de 500.000t de déchets plastiques par an. Des déchets abandonnés à l’air libre sans aucune politique de collecte, de transformation et de recyclage selon des observateurs. Pour l’entrepreneure, cette pollution plastique a été l’élément déclencheur de la création de son entreprise juste après ses études supérieures. « En fait après mes études en gestion informatique et comptable, la recherche de mon premier emploi m’a amené à visiter bon nombre des rues de Conakry. C’est ainsi que je me suis rendue compte de l’abondance des déchets plastiques qui polluent l’environnement, dont les gens n’ont pas besoin et qui ont cependant une autre utilité », constate Mariam Mohamed Keita. Avec toutes ces ordures pullulant un peu partout dans la capitale, il s’agissait, pour elle et ses employés, d’en faire une opportunité d’affaires surtout profitable à l’environnement. « Ma formation en entrepreneuriat m’a permis de savoir qu’une frustration peut devenir une opportunité d’affaires », explique-t-elle tout en signifiant le besoin pressant de trouver des solutions idoines au problème de gestion de ces déchets. « J’ai commencé à penser aux recyclages des déchets plastiques. Des déchets qui me frustrent dans le quartier. Après analyse, j’ai constaté que le recyclage des déchets plastiques peut répondre à plusieurs besoins ». Selon Ibrahim Camara, l’un des deux hommes employés par Binedou Global Service, la fabrication de ces pavés serait même un soulagement pour les habitants de Conakry sur le long terme. D’envergure nationale, cette initiative devrait ainsi apporter une solution significative aux différents problèmes de gestion des déchets. Cependant, quelques soucis se présentent quant au développement de cette activité.

Quelques soucis majeurs
Avec cinq personnes dont trois femmes employées à Bgs, l’objectif en produisant les pavés est de les vendre à bas prix, (environ 50. 000 Frs guinéens /m2). Et ce, dans l’optique d’apporter une solution au problème de gestion des ordures déjà au niveau de la capitale guinéenne. Malheureusement, pour ces employé(e)s qui travaillent manuellement, la fumée noire produite durant la fonte empêche l’industrialisation à grande échelle de l’activité. Les chiffres donnés par la radio Voa Afrique viennent ainsi justifier cet état de fait avec seulement 500 m2 de pavés en neuf mois. Pour ne plus inhaler cette fumée, l’entrepreneure souhaiterait bénéficier d’un système plus mécanisée. « Les fumées nous fatiguent. Nous avons besoin de machines. La machine nous aiderait pour le mélange et le broyage », souligne la nominée à l’édition 2019 de la compétition Women In Africa Initiative (Wia). Elle manifeste également le besoin de recevoir tous les équipements nécessaires en vue de faciliter davantage la fabrication du produit. Les autres difficultés étant liées au renforcement des capacités techniques/matériels, aux problèmes de visibilité et de la méconnaissance du produit. « La mécanisation à travers tous les équipements nécessaires à la fabrication du produit : machines de transformation, broyeur et véhicules pour le ramassage des déchets plastiques. Nous avons aussi besoin de visibilité et de l’accès aux marchés », ajoute-t-elle. Hormis ses soucis majeurs, la population de Guinée apprécie cependant les produits finis de son entreprise. « Vraiment les gens apprécient bien mon produit c’est ce qui me donne plus de courage à continuer le combat contre la pollution », se réjouit-elle en fin de compte. Au niveau de ses perspectives, l’entrepreneure voudrait ainsi faire de la Guinée, une référence africaine dans le domaine du recyclage des déchets plastiques et de la protection de l’environnement. Et ce, par le biais de la création d’emploi pour les jeunes en général et pour les femmes en particulier. De ce fait, elle lance donc un appel à la population guinéenne en ces termes : « Je dirai au peuple de Guinée que la problématique de la gestion des déchets plastiques est un sujet préoccupant, dans ce cas il faut se donner les mains pour combattre ce grand fléau », conclut-elle.
Jean-Paul DEMOUSS